jeudi 2 décembre 2010

Ich bin berlinerin...ou un sacré bordel!

C'est vrai que l'on écrit moins en novembre. J'aurais à dire pourtant, la découverte ambivalente d'Hambourg, les marchés de noël aux odeurs de Glühwein et de pains d'épices... Si je n'ai pas toujours pris le temps, c'est que l'important ne réside pas dans les évènements, c'est un processus, un mouvement. Mettre des mots semble tout figer.

Hambourg donc. Jusque là l'Allemagne s'était « ouverte » à moi sans difficultés. J'ai immédiatement aimé Berlin, avec enthousiasme, entièrement, dans ses contrastes et ses limites. La mer Baltique était belle.

Hambourg fut différent. Si l'on m'en avait dit du bien, j'ai trouvé triste, un brin oppressante cette ville portuaire. C'est injuste, c'est oublié le centre historique exceptionnellement conservé, je ne retiens que les entrepôts de briques rouges, le port sous la brume grise et les sexshops omniprésents. Ils clignotent, multicolores dans la nuit. Malheureusement, nous n'avons pas trouvé le quartier alternatif...

Nous marchons dans la ville. Une rue est presque barricadée, sur les murs la mention Frauen Verboten (interdit aux femmes) est placardée. C'est violent. Pour la première fois, je me sens clairement et explicitement discriminée en tant que sexe.

Au centre

Certain(e)s de mes ami(e)s veulent passer malgré tout, se veulent libres. Je n'ai pas envie de les suivre : loin de moi l'envie de respecter absolument une règle que je ne comprends pas, seulement je sais ce qu'il y a dans cette rue aux lumières rouges. Je sais, et je n'ai pas besoin de voir.

En Allemagne, la prostitution est légale. Les législateurs ont choisi une approche réglementariste de la question. Ainsi, les prostituées sont considérées comme des travailleuses du sexe. A ce titre, elles ont des droits et sont « protégées » de leurs employeurs par la loi.

Mes amies se sont fait jetées hors de la rue à coup de cris. Dans le bar où nous nous installons, le débat est animé, dans la limite de la langue. Il est trop plein d'émotion alors qu'il serait nécessaire de dépasser l'incompréhension et l'indignation premières afin d'entrer dans une analyse plus fine...

A ce sujet, mes opinions sont fluctuantes. La légalisation n'est-elle pas la meilleure solution? La moins hypocrite en tout cas?

Il y avait ce livre de Virginie Despentes, the King Kong theorie, qui m'avait ébranlée. C'est un féminisme nouveau qu'elle nous propose, un féminisme radical qui n'est pas toujours naturel pour moi, un féminisme pro-sexe. Elle parle, d'après sa propre expérience, du plaisir que la prostituée peut également prendre, de la relation qu'elle peut établir avec son client. Elle ne fait bien évidement pas, dans ce cas précis, allusion aux réseaux de prostitution organisée.

S'il y a des choses à entendre de part et d'autre, j'avoue que ces réflexions me laissent un goût amer. Où est au fond la vraie liberté? Où se jouent les rapports de domination? Je ne peux pas concevoir comme certains que la prostitution est un travail comme un autre. Peut-on vraiment tout acheter?

Le weekend s'est déroulé. Plusieurs fois, nous avons dû dire que nous étions de Berlin et le dimanche soir nous rentrions chez nous.

Nous, des berlinois.

C'est ainsi que s'est posée la question, celle qui était latente depuis quelques temps même si je ne l'avais pas formulée. D'où suis-je? Et par conséquent, qui suis-je?

Au fur et à mesure, c'est bien la question de l'identité qui s'impose, une identité remise en cause par le départ, le voyage et ses richesses.

On se découvre des identités plurielles qu'il nous faut combiner. C'est beau, un peu dur aussi : construire, se construire un monde ici quand on sait le caractère éphémère de nos vies à l'étranger...


Dans deux semaines, je serais en France. Je peine à réaliser. La joie des retrouvailles est teintée d'une certaine appréhension...Là bas, c'est naturel et heureux, la vie ne m'a pas attendue. Que vais-je retrouver? Je ris quand on parle d'une parenthèse dans nos existences.


Et pour toi Elisa, je ne peux m'empêcher de citer l'auberge espagnole, parce qu'au fond le gars, même complètement paumé (comme nous?), a tout compris:

« Je suis lui, lui, lui et lui et lui aussi et lui aussi... et je suis lui aussi... et puis lui, lui je veux pas le décevoir. Je suis elle, elle et elle aussi, je suis français, espagnol, anglais, danois, je suis pas un mais plusieurs. Je suis comme l'Europe, je suis tout ça, je suis un vrai bordel. »

(notre petit groupe à Hambourg)


mardi 16 novembre 2010

Pauline à Berlin

Voici le temps de la première visite, je l'attendais.

C'est Pauline que je suis allée cueillir à l'aéroport, Pauline l'amie de confiance, la loyale qui -malgré les chemins désormais différents- écoute, parle aussi. A travers elle, c'était le souvenir d'une autre vie qui venait à moi, ma vie française, un peu assoupie.C'est cette étrange impression d'avoir deux existences qui, si elles se croisent parfois, ne se rejoindront jamais. Ce n'est pas une parenthèse non plus, l'une de celles que l'on referme, indemnes. Nous reviendront changés, tous conquérants.

J'ai pris le bus pour venir te chercher, il était tôt, la lumière belle. Je pensais au tout premier jour : mon arrivée. Je me rappelle mon excitation et cet espoir débordant au cœur. Je me demandais à quoi tu pensais.

Je voulais tout te dire, l'attrait de cette ville, ma vie ici. Je voulais te dire de ne pas t'arrêter aux monuments parfois ternes, à l'absence d'unité. J'avais peur que tu n'aimes pas. C'est impossible de montrer ce que l'on voit.

La ville n'est pas belle. Ce n'est pas Paris, Berlin n'est pas un trésor, elle se vit. As-tu senti ce rapport au temps un peu différent?

C'est la ville des migrants tu sais, une ville pauvre, moderne, qui fourmille, qui attire. Elle n'est pas Bonn ou Francfort, elle ne brille pas économiquement, a l'un des taux de chômage les plus élevés d'Allemagne.

Elle a été détruire pendant la guerre, et a peu à peu été reconstruite. Tu n'as pas pu voir cette Eglise baroque dont seules les façades extérieures ont été reconstruites. À l'intérieur, rien, elle est vide. C'est stupéfiant et chaque fois, cela me glace. Elles sont loin les splendeurs d'antan. Tu en as vues certaines pourtant celles de la Prusse victorieuse au château de Charlottenburg.


(Château de Charlottenburg)

Ici, il n'y a pas de culture de conservation, le vieux bâtiment historique, si inutile, peut être supprimé, c'est ainsi. On n'hésite pas non plus à construire au XIX° des hôtels à la mode Renaissance...

Alors, oui, vois les monuments : Brandenburger Tor, le Reichstag, East Side Gallery ou Postdamer Platz, mais n'oublie pas qu'ils ne sont pas tout Berlin, que Berlin bouge et bougera.

Berlin, c'est aussi les parcs immenses, les bars rouges le soir, la bière, des instants à danser dans un ancien appartement reconverti, maquillés à l'encre de Chine par un artiste d'un soir. Berlin c'est l'envie de manger un döner au petit jour puis la visite d'un grand musée. Berlin, c'est parler dans le métro avec celui qui a entendu que tu étais française.


( Sony Center auf dem Potsdamer Platz)

C'est pour beaucoup une liberté retrouvée. Aujourd'hui, mon professeur parlait des migrants du XIX° qui quittaient leur campagne pour la grande ville, dure, froide. Il parlait de leur espoir. Il nous a demandé pourquoi, nous, nous étions venus. Pourquoi Berlin?

Pourquoi? Je crois que tu l'as senti. Je ne pouvais pas vraiment te l'expliquer.

Tu es repartie, j'avais cette drôle de mélancolie de ceux qui restent et qui sont loin. Mais merci! Merci d'être venue, d'avoir aimé ce que j'aime, d'avoir compris. Et n'oublie pas : je t'attends!


(annexes du Parlement)



vendredi 5 novembre 2010

Université, Europe, mes amours!

Maintenant novembre, novembre la grise et la mélancolique, novembre qui pénètre tout et nous laisse un peu fatigués. Pas d'hibernation pourtant, on avance, on découvre, encore. C'est étrange de penser à vous sous d'autres hémisphères, sentant encore les fleurs et le soleil, cherchant un peu d'air frais. Et moi qui attendrais presque Noël, la neige, le froid rude et les lumières multicolores! Je n'aime pas les entres deux.

L'euphorie de l'arrivée s'estompe peu à peu, c'est normal. Il me reste malgré tout ce contentement, la certitude d'avoir fait le bon choix.

Partir c'est toujours remettre en cause ce qui paraît évident, acquis. A nouveau réfléchir.

A Berlin, je réapprends l'université et l'enseignement. Les débats passés sur notre université idéale, sur celle à construire, sont à nouveau d'une actualité poignante. J'y repense.

C'est aussi pour sa conception romantique de l'éducation que j'avais choisi l'Allemagne : « se perdre dans le savoir pour mieux se retrouver », ça me plaisait.

Ici, il faut oublier, oublier le temps qui passe, l'avenir professionnel plus ou moins certain, la vision du professeur comme détenteur de savoir. Les étudiants allemands lisent, cherchent, parlent, débattent, critiquent. Ils disent leurs pensées, s'approprient un savoir qui les dépasse et, peu à peu, se l'approprient. Ils sont loin les cours magistraux, les partiels mécaniques.


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(le Rotes Café : le café rouge, café principal de l'institut de sciences politiques)
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Les professeurs sont des guides, des accompagnateurs et non des maitres. Et, rendez vous compte, aucun d'entre eux ne prônent la neutralité axiologique (quelle fumisterie!), ils assument leurs idées, certains les revendiquent, dans le respect de la contestation.

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Il y a ce premier cours de gender theories, les tables ont disparu, nous sommes en cercle. La consigne est simple : parler à son voisin du monde rêvé. Ma voisine est l'une des profs, elle n'a pas trente ans et me parle d'un monde sans frontières, un monde de liberté. Elle et sa collègue réfutent le schéma traditionnel du cours, elles le réinventent sur un mode exclusivement participatif. C'est dur lorsque l'on ne parle pas bien la langue et pourtant c'est tellement enthousiasmant.

(un des principaux bâtiments de l'institut des sciences politiques)

L'aisance à l'oral des étudiants est assez remarquable et semble être le fruit d'un long apprentissage. Cela me semble parfois étrange qu'un peuple si formé à l'esprit critique ne soit pas plus contestataire.

Les maitres mots de l'université allemande pensée par Humbold sont liberté, autonomie et découverte: liberté de choisir ses cours, de penser, autonomie dans la recherche et face au savoir (tous deux nécessairement liés), et découverte de soi et du monde.

Les études s'étendent sur de nombreuses années (la connaissance nécessite du temps, l'étudiant peut le prendre), la barrière entre vie active et formation est fluctuante. Et il est encore admis que l'université transmet des savoirs et non des savoir-faire; qu'elle a pour vocation de former l'esprit, de se grandir. Ainsi, l'étudiant en philosophie peut être embauché dans une entreprise car il sait penser.

Inutile de dire, que cette conception de l'enseignement universitaire est profondément remis en cause par le système de Bologne.

Il est par ailleurs toujours étonnant pour moi de constater le nombre de très jeunes femmes enceintes au sein de l'université. Il existe des aides financières (et je crois également une crèche) permettant aux jeunes mères de concilier maternité et études. J'avoue ma surprise étant donné le très faible taux de natalité allemand et les conceptions de la « bonne mère » encore relativement rigides et traditionnelles. Il m'amène à repenser le féminisme : favoriser contraception et avortement bien sûr mais également permettre aux femmes de mener simultanément les deux fronts.

Partir c'est aussi se confronter à ses origines et à ce qu'elles signifient. Je voulais prendre de la distance avec la France, fatiguée de ses excès, de ma honte. Prendre le temps de penser, loin de mon indignation quotidienne. C'est difficile, presque impossible.

Tout d'abord parce que, peut être est-ce en Erasmus encore plus perceptible qu'ailleurs, notre nationalité fait intimement partie de ce que nous sommes, de notre identité.

Il y a ce rituel, quasi immuable qui veut tout dire: face à moi se trouve cette personne que je ne connais pas; je lui tends la main et dis « Ich bin Fanny und ich komme aus Frankreich » (je suis Fanny, je viens de France). Si j'oublie cette précision, on me questionnera. C'est ainsi. C'est toujours ce que l'on sait en premier.

Ensuite, c'est assez étrange de pouvoir constater de la tentation communautaire, à cause de la langue oui, mais également à cause de références communes ou de ce sentiment d'appartenance.

Il me semble impératif de lutter contre, nombre sont ceux qui se cantonnent dans une position très fermée, parlant presque uniquement français en présence d'étrangers. Il est difficile parfois de ne pas déceler dans ces comportements un brin d'arrogance. Ce qui n'échappe pas à certains de mes amis d'Europe de l'Est, qui m'en parlent, timides et un peu gênés...

Enfin, il y a l'actualité, violente, qui rattrape et ébranle la fragile prise de recul, actualité qui fait douter: où est donc ma place? Ici? Là bas? C'est ce lien irrémédiable, soudain évident : je viens de l'autre côté de la frontière, c'est mon pays.

C'est au bout de quelques jours que je me suis rendue compte, auprès d'étudiants hongrois et polonais, qu'ici autre chose se créait. A Berlin, je deviens citoyenne européenne. C'était théorique, je le vis.

Pour l'instant, c'est une nouvelle découverte, joyeuse, qui me suffit!

samedi 23 octobre 2010

Ostsee and co.

Voici un peu plus d'un mois et demie que je suis à Berlin. C'est peu et beaucoup à la fois, déjà j'habite la ville. Les rues d'abord étrangères deviennent familières. Je les ai prises une fois, deux puis trois: elles sont miennes. J'ai l'impression d'avoir goûté à toutes les saisons : l'automne froid, gris et humide, l'hiver dur, froid glacial. D'autres jours ont la douceur du printemps ou la saveur des fins d'été.


On habite si bien Berlin qu'avec mes amis de Sciences Po, j'ai eu ce besoin joyeux de sortir de la ville, de me confronter à un nouvel inconnu. Je les voulais quitter elle et son immensité.


Je n'avais jamais vu la mer Baltique, son simple nom résonnait en moi avec exotisme. J'aimais l'idée me tenir l'extrémité du continent.

Nous avons quitté un Berlin gris et pluvieux et pris le train, encore endormis.


Nous sommes arrivés à Warnemünde, il faisait beau. On avait la joie des petits enfants qui voient pour la première fois la mer s'étaler devant eux. C'était beau, plus sauvage que la méditerranée. Le vent, violent et glacial, nous a rappelé la force des éléments. Samedi, rester sur la plage était téméraire, presque impossible. Nous avons visité la ville portuaire. Les couleurs de l'eau, des phares, bateaux et maisons étaient joyeuses et vives. Les allemands en weekend achetaient du poisson frais et des fishs and chips.

Nous sommes en vacances, c'est notre dernier weekend avant la reprise.


Le dimanche, le vent s'est tu. Le soleil brillait et, emmitouflés, nous sommes allés sur la plage.

C'est étrange comme le silence se fait face à la mer, comme tout paraît anodin, presque contingent. On peine à s'imaginer que cette immensité ait une fin. Assise, j'ai pensé à ceux en France qui, en ce moment, une fois encore vivent dans les cris et la colère. Je me sentais à la fois loin et très proche. Et complètement impuissante.


Autour de nous, beaucoup de personnes marchent, sont venus prendre l'air. Une dame nous aborde, elle parle parfaitement le français, a étudié en France. On parle un peu ensemble, c'est court mais cela me met la joie au cœur. J'aime comme les gens ici se parlent.


L'après midi, nous partons pour Rostock. La ville est belle mais complètement déserte. Je préfère l'activité, le bouillonnement des villes, alors je me l'imagine.


Déjà le weekend est fini. Dans le train, avec mes amis français on parle encore, toujours, posément ou avec véhémence. Partir encore nous rapproche.

Au centre

Hier c'était la rentrée. J'avais une drôle de boule au ventre, cette drôle d'appréhension que je n'avais pas ressenti depuis longtemps. Nous avions déjà eu des journées d'orientation, je connais d'autres étudiants. Ils viennent du Japon, beaucoup de Hongrie, d'Indonésie, de Hollande ou de Belgique. Et avec notre allemand -un peu plus fluide- nous apprenons peu à peu à nous connaître. Nous faisons des projets. Jamais je n'ai savouré à ce point de pouvoir dire « à demain à quelqu'un ».


Avec quelques uns nous avons fait du vélo autour du Wannsee, immense lac au bord de Berlin, tristement connu pour avoir accueilli une conférence organisant la solution finale. On peine à imaginer que des choses aussi horribles aient plus être imaginées dans un tel cadre.


Mes premiers cours ont eu lieu. Et si c'est difficile, si je ne comprends que partiellement, ma motivation est loin d'être entachée. Oui, je vais y arriver!



vendredi 8 octobre 2010

20 ans

Il y a des journées que l'on redoute à l'avance pensant qu'elles auront une saveur douce-amère. On y pense, un peu, et un jour elles sont là. A Berlin, j'ai eu vingt ans.

Je me suis réveillée la joie au ventre avec la certitude d'avoir grandi.

Je n'ai pas la nostalgie de l'enfance, de royaumes merveilleux ou d'une Atlantide perdue. Grandir me va bien. Chaque année est la découverte plus profonde de ma liberté et de ce qui m'entoure.

C'est étrange de sentir qu'à travers le présent, le passé perdure, qu'elle est toujours là la petite fille, autrement, côtoyant la femme en devenir.



Ces derniers jours auront donc été productifs. J'ai eu vingt ans et j'ai trouvé une colocation. Si la recherche n'aura pas été facile, je ne la regrette pas. Elle m'aura poussée à sortir de moi, à parler. A l'étranger, les mots ont une toute autre place, un autre poids. En français à l'aise, je dois peser chaque parole en allemand, réfléchir et tenter de comprendre. Et lorsque les mots manquent, on se rend compte avec plus d'intensité de tout ce que l'on peut dire en silence. Je n'ai jamais tant souri qu'ici, à Berlin.

Et si je suis encore loin de parler avec facilité, je sens déjà en moi la musique de la langue. Mon oreille se forme et petit à petit je comprends mieux.


J'ai donc trouvé un « chez moi », un lieu où poser mes bagages et accrocher mes photos. Je vis au dessus d'un square. À ma droite un « Kinder Garten » -comprenez là un jardin d'enfant, une garderie », à ma gauche une glacerie multicolore. J'entends les cris et les rires, je me sens bien.

Nous sommes quatre dans cette auberge allemande en puissance. Il y a tout d'abord Marion, une amie de Sciences Po, puis Pete, un allemand quadragénaire et Elena, une étudiance Kazakhe en psychologie.


Je ne suis pas la seule à avoir eu vingt ans cette semaine. C'est aussi le cas de l'Allemagne réunifiée. Nous sommes allées participer à la fête, persuadées déjà de vivre un moment historique, un de ceux qui restent gravés. Face à la porte de Brandebourg et face au Reichstag (parlement), deux scènes sont montées. Le long de la rue du 17 juin, des stands sont alignés, les berlinois se promènent, souvent une bière à la main.

Il est difficile de mettre des mots sur l'étrange ambiance qui y règne. Lorsque sur les écrans géants, on voit apparaître, auprès d'Angela Merkel et d'autres anciens chanceliers, Helmut Kölh, le silence se fait et debout, longtemps, la foule applaudit. L'émotion est palpable, chez lui aussi.

Après coup, ce sont cette émotion et ce silence qui restent. Et un cri : celui d'une femme puis de la foule de 1990 à l'annonce de la réunification.

Ce que j'ai appris à l'école, dans mes livres d'histoire est vivant. C'est à vif. Autour de moi, à la vue d'images d'archives,des gens pleurent, crient et applaudissent. On chante aussi, vient l'hymne à la joie: je n'ai jamais été aussi européenne que sous ce feu d'artifice.


Il est cependant difficile d'oublier que la chute du mur n'est pas uniquement la victoire de la liberté et la démocratie. En témoigne mon amertume en découvrant que le sponsor de la fête de l'unité n'était autre que le très capitaliste coca-cola. Et si aujourd'hui la fête était au rendez-vous, les rancoeurs et les déceptions sont réelles à l'est comme l'ouest.



dimanche 19 septembre 2010

Il est bon de vivre à Berlin!


On dit que celui qui vit à Berlin y revient toujours, que la ville a ce « je ne sais quoi » qui ramène à elle.

Après ces deux semaines ici, modestement, il me semble saisir pourquoi. C'est difficile à dire, c'est une atmosphère, une ambiance qui vous donnent cette sensation d'être chez vous ou d'avoir une place. Ici, il fait bon de vivre. Il est loin le rythme effréné, un peu angoissant, de Paris ou d'autres métropoles. Berlin l'immense a parfois ce petit air de village qui surprend au sortir des larges avenues.

(quartier de Prenzlauer Berg à l'est de la ville)


La ville est ainsi faite que les échappatoires à la vie urbaine sont nombreux : les parcs, grands, sont omniprésents, tous comme les arbres au bord des rues. On s'y promène, paisibles.


(au bord de la Spree, les petites maisons que vous voyez sont des cafés très agréables!)

Nous sommes loin ici des différents clichés ressassés sur l'Allemagne, loin de la rigidité, de la sévérité. Il est encore lourd le poids de l'histoire dans l'inconscient français!

Prenez l'Oktoberfest. Il est difficile d'expliquer la joie, l'excitation liés à l'évènement. Sous un grand chapiteau, au milieu de l'Alexanderplatz (place, soyons honnêtes assez peu attrayante pour les réfractaires à l'architecture soviétique...), des tables en bois sont alignées les unes à la suite des autres. La musique résonne et les Berlinois dansent sur les bancs, les tables. Certains ont le costume traditionnel bavarois.

Ce qui m'a surpris c'est cette joie manifeste d'être ensemble, toutes générations confondues. Elle était communicative, avec mes amis français nous rions, buvions, mangions et dansions séduits par l'ambiance...Qu'ils sont fous ces allemands!

Avec le recul je suis un peu triste aussi. Sûrement parce que je n'ai pas souvenir d'avoir connu une telle sensation dans mon pays!

On dit aussi que Berlin est la deuxième ville turque au monde...ce qui est parfaitement vrai! La taille de cette communauté est assez impressionnante et très visible. Les kebabs döners concurrencent les stands de curry wurst (saucisses au curry) et donnent à un certain nombre de quartiers cet air de Quillotière, qui me les rendent sympathiques.


(moi et le Kebab qui vous dit que j'ai même pas pleuré :p)

Si je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer nombre de nouvelles personnes, je profite de ce temps pour connaître davantage les autres étudiants français de Sciences Po partis avec moi. C'est bon de découvrir qu'il existe autour de soi des gens que l'on ne connait pas encore mais avec qui l'on peut partager!

Et malgré la difficulté de la langue, malgré des recherches de chambres peu concluantes, tout va bien. Je me suis découvert un optimisme et une confiance que je ne me connaissais pas!