samedi 23 octobre 2010

Ostsee and co.

Voici un peu plus d'un mois et demie que je suis à Berlin. C'est peu et beaucoup à la fois, déjà j'habite la ville. Les rues d'abord étrangères deviennent familières. Je les ai prises une fois, deux puis trois: elles sont miennes. J'ai l'impression d'avoir goûté à toutes les saisons : l'automne froid, gris et humide, l'hiver dur, froid glacial. D'autres jours ont la douceur du printemps ou la saveur des fins d'été.


On habite si bien Berlin qu'avec mes amis de Sciences Po, j'ai eu ce besoin joyeux de sortir de la ville, de me confronter à un nouvel inconnu. Je les voulais quitter elle et son immensité.


Je n'avais jamais vu la mer Baltique, son simple nom résonnait en moi avec exotisme. J'aimais l'idée me tenir l'extrémité du continent.

Nous avons quitté un Berlin gris et pluvieux et pris le train, encore endormis.


Nous sommes arrivés à Warnemünde, il faisait beau. On avait la joie des petits enfants qui voient pour la première fois la mer s'étaler devant eux. C'était beau, plus sauvage que la méditerranée. Le vent, violent et glacial, nous a rappelé la force des éléments. Samedi, rester sur la plage était téméraire, presque impossible. Nous avons visité la ville portuaire. Les couleurs de l'eau, des phares, bateaux et maisons étaient joyeuses et vives. Les allemands en weekend achetaient du poisson frais et des fishs and chips.

Nous sommes en vacances, c'est notre dernier weekend avant la reprise.


Le dimanche, le vent s'est tu. Le soleil brillait et, emmitouflés, nous sommes allés sur la plage.

C'est étrange comme le silence se fait face à la mer, comme tout paraît anodin, presque contingent. On peine à s'imaginer que cette immensité ait une fin. Assise, j'ai pensé à ceux en France qui, en ce moment, une fois encore vivent dans les cris et la colère. Je me sentais à la fois loin et très proche. Et complètement impuissante.


Autour de nous, beaucoup de personnes marchent, sont venus prendre l'air. Une dame nous aborde, elle parle parfaitement le français, a étudié en France. On parle un peu ensemble, c'est court mais cela me met la joie au cœur. J'aime comme les gens ici se parlent.


L'après midi, nous partons pour Rostock. La ville est belle mais complètement déserte. Je préfère l'activité, le bouillonnement des villes, alors je me l'imagine.


Déjà le weekend est fini. Dans le train, avec mes amis français on parle encore, toujours, posément ou avec véhémence. Partir encore nous rapproche.

Au centre

Hier c'était la rentrée. J'avais une drôle de boule au ventre, cette drôle d'appréhension que je n'avais pas ressenti depuis longtemps. Nous avions déjà eu des journées d'orientation, je connais d'autres étudiants. Ils viennent du Japon, beaucoup de Hongrie, d'Indonésie, de Hollande ou de Belgique. Et avec notre allemand -un peu plus fluide- nous apprenons peu à peu à nous connaître. Nous faisons des projets. Jamais je n'ai savouré à ce point de pouvoir dire « à demain à quelqu'un ».


Avec quelques uns nous avons fait du vélo autour du Wannsee, immense lac au bord de Berlin, tristement connu pour avoir accueilli une conférence organisant la solution finale. On peine à imaginer que des choses aussi horribles aient plus être imaginées dans un tel cadre.


Mes premiers cours ont eu lieu. Et si c'est difficile, si je ne comprends que partiellement, ma motivation est loin d'être entachée. Oui, je vais y arriver!



vendredi 8 octobre 2010

20 ans

Il y a des journées que l'on redoute à l'avance pensant qu'elles auront une saveur douce-amère. On y pense, un peu, et un jour elles sont là. A Berlin, j'ai eu vingt ans.

Je me suis réveillée la joie au ventre avec la certitude d'avoir grandi.

Je n'ai pas la nostalgie de l'enfance, de royaumes merveilleux ou d'une Atlantide perdue. Grandir me va bien. Chaque année est la découverte plus profonde de ma liberté et de ce qui m'entoure.

C'est étrange de sentir qu'à travers le présent, le passé perdure, qu'elle est toujours là la petite fille, autrement, côtoyant la femme en devenir.



Ces derniers jours auront donc été productifs. J'ai eu vingt ans et j'ai trouvé une colocation. Si la recherche n'aura pas été facile, je ne la regrette pas. Elle m'aura poussée à sortir de moi, à parler. A l'étranger, les mots ont une toute autre place, un autre poids. En français à l'aise, je dois peser chaque parole en allemand, réfléchir et tenter de comprendre. Et lorsque les mots manquent, on se rend compte avec plus d'intensité de tout ce que l'on peut dire en silence. Je n'ai jamais tant souri qu'ici, à Berlin.

Et si je suis encore loin de parler avec facilité, je sens déjà en moi la musique de la langue. Mon oreille se forme et petit à petit je comprends mieux.


J'ai donc trouvé un « chez moi », un lieu où poser mes bagages et accrocher mes photos. Je vis au dessus d'un square. À ma droite un « Kinder Garten » -comprenez là un jardin d'enfant, une garderie », à ma gauche une glacerie multicolore. J'entends les cris et les rires, je me sens bien.

Nous sommes quatre dans cette auberge allemande en puissance. Il y a tout d'abord Marion, une amie de Sciences Po, puis Pete, un allemand quadragénaire et Elena, une étudiance Kazakhe en psychologie.


Je ne suis pas la seule à avoir eu vingt ans cette semaine. C'est aussi le cas de l'Allemagne réunifiée. Nous sommes allées participer à la fête, persuadées déjà de vivre un moment historique, un de ceux qui restent gravés. Face à la porte de Brandebourg et face au Reichstag (parlement), deux scènes sont montées. Le long de la rue du 17 juin, des stands sont alignés, les berlinois se promènent, souvent une bière à la main.

Il est difficile de mettre des mots sur l'étrange ambiance qui y règne. Lorsque sur les écrans géants, on voit apparaître, auprès d'Angela Merkel et d'autres anciens chanceliers, Helmut Kölh, le silence se fait et debout, longtemps, la foule applaudit. L'émotion est palpable, chez lui aussi.

Après coup, ce sont cette émotion et ce silence qui restent. Et un cri : celui d'une femme puis de la foule de 1990 à l'annonce de la réunification.

Ce que j'ai appris à l'école, dans mes livres d'histoire est vivant. C'est à vif. Autour de moi, à la vue d'images d'archives,des gens pleurent, crient et applaudissent. On chante aussi, vient l'hymne à la joie: je n'ai jamais été aussi européenne que sous ce feu d'artifice.


Il est cependant difficile d'oublier que la chute du mur n'est pas uniquement la victoire de la liberté et la démocratie. En témoigne mon amertume en découvrant que le sponsor de la fête de l'unité n'était autre que le très capitaliste coca-cola. Et si aujourd'hui la fête était au rendez-vous, les rancoeurs et les déceptions sont réelles à l'est comme l'ouest.