vendredi 8 octobre 2010

20 ans

Il y a des journées que l'on redoute à l'avance pensant qu'elles auront une saveur douce-amère. On y pense, un peu, et un jour elles sont là. A Berlin, j'ai eu vingt ans.

Je me suis réveillée la joie au ventre avec la certitude d'avoir grandi.

Je n'ai pas la nostalgie de l'enfance, de royaumes merveilleux ou d'une Atlantide perdue. Grandir me va bien. Chaque année est la découverte plus profonde de ma liberté et de ce qui m'entoure.

C'est étrange de sentir qu'à travers le présent, le passé perdure, qu'elle est toujours là la petite fille, autrement, côtoyant la femme en devenir.



Ces derniers jours auront donc été productifs. J'ai eu vingt ans et j'ai trouvé une colocation. Si la recherche n'aura pas été facile, je ne la regrette pas. Elle m'aura poussée à sortir de moi, à parler. A l'étranger, les mots ont une toute autre place, un autre poids. En français à l'aise, je dois peser chaque parole en allemand, réfléchir et tenter de comprendre. Et lorsque les mots manquent, on se rend compte avec plus d'intensité de tout ce que l'on peut dire en silence. Je n'ai jamais tant souri qu'ici, à Berlin.

Et si je suis encore loin de parler avec facilité, je sens déjà en moi la musique de la langue. Mon oreille se forme et petit à petit je comprends mieux.


J'ai donc trouvé un « chez moi », un lieu où poser mes bagages et accrocher mes photos. Je vis au dessus d'un square. À ma droite un « Kinder Garten » -comprenez là un jardin d'enfant, une garderie », à ma gauche une glacerie multicolore. J'entends les cris et les rires, je me sens bien.

Nous sommes quatre dans cette auberge allemande en puissance. Il y a tout d'abord Marion, une amie de Sciences Po, puis Pete, un allemand quadragénaire et Elena, une étudiance Kazakhe en psychologie.


Je ne suis pas la seule à avoir eu vingt ans cette semaine. C'est aussi le cas de l'Allemagne réunifiée. Nous sommes allées participer à la fête, persuadées déjà de vivre un moment historique, un de ceux qui restent gravés. Face à la porte de Brandebourg et face au Reichstag (parlement), deux scènes sont montées. Le long de la rue du 17 juin, des stands sont alignés, les berlinois se promènent, souvent une bière à la main.

Il est difficile de mettre des mots sur l'étrange ambiance qui y règne. Lorsque sur les écrans géants, on voit apparaître, auprès d'Angela Merkel et d'autres anciens chanceliers, Helmut Kölh, le silence se fait et debout, longtemps, la foule applaudit. L'émotion est palpable, chez lui aussi.

Après coup, ce sont cette émotion et ce silence qui restent. Et un cri : celui d'une femme puis de la foule de 1990 à l'annonce de la réunification.

Ce que j'ai appris à l'école, dans mes livres d'histoire est vivant. C'est à vif. Autour de moi, à la vue d'images d'archives,des gens pleurent, crient et applaudissent. On chante aussi, vient l'hymne à la joie: je n'ai jamais été aussi européenne que sous ce feu d'artifice.


Il est cependant difficile d'oublier que la chute du mur n'est pas uniquement la victoire de la liberté et la démocratie. En témoigne mon amertume en découvrant que le sponsor de la fête de l'unité n'était autre que le très capitaliste coca-cola. Et si aujourd'hui la fête était au rendez-vous, les rancoeurs et les déceptions sont réelles à l'est comme l'ouest.



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